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Le Prix du Livre tchèque

Le deuxième lauréat du Prix du Livre tchèque est une femme

Miroslav Balaštík, représentant la maison d’édition Host, a reçu le chèque à la place de la lauréate Jakuba Katalpa, absente.

Jakuba Katalpa est devenue le deuxième lauréat du Prix du Livre tchèque avec son roman Němci («Allemands»). Lors de la cérémonie qui s’est tenue vendredi à Prague, dans le cadre du Monde du livre, le plus grand salon littéraire en République tchèque, le jury composé d’académiciens, de traducteurs littéraires et de libraires a cette fois jugé opportun de révéler également les identités des auteurs choisis pour la deuxième et la troisième position. Ainsi, la médaille d’argent reviendrait-elle à Petr Šabach pour son roman Máslem dolů («La tartine tombe toujours du côté beurré») et celle de bronze à Veronika Bendová pour son premier roman Nonstop Eufrat.

Le Prix des lecteurs du Livre tchèque, décerné pour la première fois, a échu à Kateřina Tučková pour son roman Žítkovské bohyně («Les Déesses de Žítková»). Ce livre a obtenu 238 sur le total des 555 suffrages de lecteurs. Cinq périodiques de Prague ont participé à l’organisation du vote public. Enfin, on a tiré au sort les dix participants à ce vote qui recevraient des livres tchèques en cadeau.

Les représentants des cinq éditeurs – Observateurs du Prix du Livre tchèque – sont venus assister en personne à la cérémonie de remise des prix à Prague : M. Jérôme Carassou, Non Lieu, France ; M. Bernhard Borovansky, Braumüller, Autriche ; Mme Aleksandra Ziemlanska, Atut, Pologne ; Mme Tatjana Jamnik, Polica Dubova, Slovénie ; Mme Olga Akbulatova, Globus, Russie.

Lauréat du Prix du Livre tchèque 2013 : Jakuba Katalpa

Jakuba Katalpa : Allemands («Němci»)

Le long roman Allemands est le troisième livre publié sous le nom d’auteur Jakuba Katalpa (Tereza Jandová de son vrai nom, née en 1979). Alors que ses deux premiers livres ont été très chargés au niveau du style et de la langue ainsi que marqués par une décomposition de la ligne narrative, Allemands est un roman où l’action prend le dessus. L’histoire de décryptage des destinées complexes des habitants de la région d’Europe centrale au XXe siècle repose sur un mélange judicieux des récits de vies individuelles et des descriptions des bouleversements politiques où des régimes totalitaires se succédaient l’un après l’autre, déterminant la sphère publique. L’héritage «kafkaïen» de l’espace centre-européen se manifeste par la perte d’une frontière nette entre les sphères privée et publique, mais aussi entre le banal et le fatal. Le roman nous pose une question fondamentale : dans quelle mesure déterminons-nous le déroulement de nos vies par nos décisions individuelles et dans quelle mesure nos vies dépendent-elles des facteurs extérieurs ? Autrement dit : Est-ce qu’un individu est capable de contrôler son rapport au monde et est-ce qu’il a les moyens et le droit de juger le rapport des autres au monde ?

Petr A. Bílek, membre du jury

Le Prix du Livre tchèque 2013, 2e position : Petr Šabach

Petr Šabach: La tartine tombe toujours du côté beurré («Máslem dolů»)

Le nouveau roman de Petr Šabach compte sans aucun doute parmi les meilleures œuvres que cet auteur a jamais écrites, et ses deux personnages principaux, deux amis qui, malgré la soixantaine bien sonnée, font preuve d’une imagination d’adolescents débridés, rejoindront la petite troupe des originaux sympathiques conduite par Bouvard et Pécuchet, spécialistes en tout genre, et refermée par les deux vieillards plaisantins du film tchèque L’été indien («Babí léto»). Le plus modéré des deux amis, le narrateur Arnošt, est un éternel «looser», bénéficiaire d’une pension d’invalidité et gérant maladroit d’une boutique de livres d’occasion – ou plutôt d’un dépôt rassemblant le contenu de ses cinq bibliothèques qu’il ne savait où mettre, après son divorce. L’alter ego d’Arnošt, le peintre bohême Evžen, est son copain et propriétaire en même temps. Admirateur fou de tout ce qui vient des Etats-Unis, surtout des paras américains, il ne se sépare jamais de son parka modèle M65 Regiment. Dans cette histoire, l’auteur a une fois de plus fait preuve de son talent pour construire des dialogues vivaces et colorés et des chutes réussies où l’atmosphère spécifique des bistrots pragois occupe un rôle majeur, le tout sapoudré d’une bonne dose d’humour de situation et d’humour verbal. Le roman – comme d’autres livres de Šabach – peut être lu comme une apothéose de l’amitié sur laquelle ni les idéologies ni l’argent n’ont de pouvoir.

Jiří Našinec, membre du jury

Le Prix du Livre tchèque 2013, 3e position : Veronika Bendová

Veronika Bendová: Nonstop Eufrat

Si ce livre est inquiétant par son sujet. À une époque où, pour parler de la foi chrétienne, la littérature doit faire des excursions dans un passé plus ou moins lointain, une jeune femme écrivain contemporain vient confronter le monde des valeurs, des règles et des rituels chrétiens avec le monde profane d’aujourd’hui. L’axe de cette confrontation est constitué par la rencontre, dramatique sur tous les plans, d’un curé avec une jeune femme dont il tombe amoureux. Il en résulte une crise identitaire du curé accompagnée de ses doutes profonds, sa demande de laïcisation, la naissance d’un enfant, une vie ordinaire puis une aliénation croissant de jour en jour, la déception des ex-paroissiens. S’y ajoutent une mort imminente du père que le héros n’a presque pas connu et, surtout, des textos mystérieux venant d’un numéro secret et qu’on n’arrive pas à bien déchiffrer. Cette énigme métaphysique aide à créer une ambiance étrange et spécifique de ce récit. Il s’agit là d’un des éléments qui rendent ce livre si captivant, joint à l’atmosphère d’une Prague de nos jours, vue depuis la perspective d’un homme dont l’échelle des valeurs, subordonnée aux dogmes religieux, n’est pas tout à fait de ce monde et se heurte en permanence à la réalité quotidienne et anonyme des gens.

Miroslav Zelinský, membre du jury

Lauréat du Prix des lecteurs du Livre tchèque 2013 : Kateřina Tučková

Kateřina Tučková : Les Déesses de Žítková («Žítkovské bohyně»)

L’axe du récit est constitué de l’histoire de Dora Idesová, le dernier membre de la tribu des «déesses» qui habitent la région pauvre et isolée de Kopanice morave (avec le village de Žítková, réellement existant), située sur les pentes des Carpates Blanches. L’héroïne, jeune femme éduquée, retourne dans le pays de son enfance avec l’intention de rédiger une étude sur un phénomène de la tradition locale, celui des magiciennes prophètes, femmes qui savent guérir, prédire l’avenir ou jeter un mauvais sort. Ce don de «faire Dieu» se lègue d’une génération à l’autre, à condition qu’une mère le fasse passer sciemment à sa fille. Tout en provenant d’une telle tribu, Dora refuse de prolonger la tradition familiale, en revanche, elle souhaite l’appréhender à l’aide de la raison, la décrire et saisir ainsi l’histoire de sa famille, révéler ses secrets, connaître ses propres racines. Le roman a plusieurs niveaux stylistiques, narratifs et de genre. L’histoire personnelle de Dora s’ancre dans un contexte historique et social allant du XVII e siècle jusqu’à nos jours. Ce sont toutefois deux périodes du XX e qui y occupent une place majeure : l’occupation des pays tchèques par l’Allemagne nazie et la période communiste. Des documents d’archives et des extraits fictifs de la presse d’époque témoignent de la monstruosité de ces deux régimes, alternent la narration et forment un contrepoint à la magie des légendes et des mythes populaires aussi bien qu’à la magie des paysages.

Hedvika Vydrová, membre du jury

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